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Social Economy News

L’actu de l’économie sociale européenne

Pourquoi nous devons défendre le modèle de l’économie sociale dans l’UE : une perspective des droits sociaux portée par Social Platform

Par Sanna Honkaniemi et Ana Luiza Hannotte, de Social Platform
Plateforme européenne des ONG d’action sociale

Au cœur des débats actuels sur les priorités de l’agenda de la nouvelle Commission européenne, notamment à mi-parcours du Plan d’action pour l’économie sociale (SEAP), l’avenir de l’économie sociale en Europe est en jeu. Social Platform (la Plate-forme des ONG européennes du secteur social) œuvre pour la reconnaissance et le soutien au sein de l’UE des acteurs de l’économie sociale, y compris les coopératives, les entreprises sociales d’insertion (WISEs) et les prestataires de services sociaux à but non lucratif.

Social Platform est la plus grande organisation non gouvernementale travaillant sur les questions sociales en Europe. Rassemblant plus de 40 réseaux européens qui défendent les droits des personnes sous-représentées, ses membres sont des prestataires de services sociaux à but non lucratif et des acteurs de l’économie sociale. En tant que signataire de la Déclaration de La Hulpe, Social Platform soutient pleinement l’accord conclu entre les décideurs politiques, la société civile et les partenaires sociaux en faveur du renforcement des droits sociaux et du bien-être à travers l’Europe dans le cadre de l’agenda 2030.

Social Platform plaide pour une reconnaissance et un soutien accrus de l’économie sociale en tant que modèle de développement durable, ancré dans la gouvernance démocratique, la solidarité et l’autonomisation des communautés. Dans sa récente lettre ouverte adressée à Ursula von der Leyen, appel est fait à l’implication directe des acteurs de l’économie sociale dans l’élaboration des politiques à travers un dialogue civil dans les années à venir, car ils donnent déjà l’exemple par la qualité de leurs services, la création d’emplois significatifs et des solutions innovantes aux défis sociaux et environnementaux. Leur potentiel doit être reconnu comme central dans le tissu social de l’UE, au-delà de leur contribution aux stratégies de compétitivité et de durabilité.

Grâce à la mise en œuvre du Plan d’action pour l’économie sociale (SEAP), le modèle de l’économie sociale peut s’ancrer davantage en Europe. Parmi les nombreuses initiatives du SEAP, les Recommandations du Conseil sur le développement de conditions-cadres[1] pour l’économie sociale ont été saluées comme une étape clé pour orienter les États membres face à des enjeux cruciaux : cadres juridiques, fiscalité équitable, accès accru à la commande publique et élargissement de l’éligibilité aux règles en matière d’aides d’État, conformément au règlement général d’exemption par catégorie. Pourtant, le développement de conditions-cadres pour l’économie sociale demeure très inégal d’un État membre à l’autre. Outre les obstacles à sa reconnaissance, l’accès au financement reste un défi pour les acteurs de l’économie sociale, mettant en péril la mise en œuvre des plans nationaux de déploiement pour développer des écosystèmes d’économie sociale[2]. Il en va de même pour l’implication directe du secteur de l’économie sociale dans d’autres domaines d’activités.

Outre le SEAP, de nombreuses autres initiatives plus générales de l’UE – du Pacte vert à la Stratégie des soins, la Stratégie de lutte contre la pauvreté, le Nouveau Bauhaus européen et la Facilité pour la reprise et la résilience – ne tiennent pas pleinement compte du potentiel transversal de l’économie sociale. Trop souvent, ces politiques sont sous-financées, cloisonnées et ne sont pas élaborées de manière holistique. Pour répondre à ces défis, nous défendons un Fonds social européen plus (FSE+) autonome comme principal mécanisme de financement, soutenant les initiatives durables sur les plans social et environnemental. De plus, Social Platform souligne également le rôle clé de l’économie sociale dans la mise en œuvre du futur plan d’action sur le Socle des droits sociaux, afin de garantir des conditions de travail équitables via la future feuille de route pour des emplois de qualité, mais aussi pour soutenir l’éradication de la pauvreté à travers la Stratégie de lutte contre la pauvreté de l’UE, et accompagner une transition équitable et juste.

Au cœur de la vision de Social Platform se trouve la conviction que l’économie sociale est essentielle à la réalisation d’une transition juste. Les entreprises d’économie sociale (y compris les WISE), les coopératives et les prestataires de services sociaux à but non lucratif créent déjà des emplois décents dans des secteurs clés de la transition tels que les énergies renouvelables, l’agriculture durable, l’économie circulaire et les soins sociaux. Ces organisations privilégient les personnes et la planète plutôt que le profit, réinvestissant leurs ressources dans les communautés locales et renforçant la résilience des territoires. Pour soutenir davantage leurs activités, Social Platform et ses membres attendent également avec intérêt la révision de la directive européenne de 2014 sur les marchés publics, dans le but d’intégrer dans les appels d’offres à tous les niveaux (local, régional, national), des considérations sociales et environnementales ainsi que des marchés réservés aux acteurs de l’économie sociale.

Alors que les industries se doivent d’évoluer en vue de la transition écologique, l’accent mis par l’économie sociale sur la valeur sociale à long terme peut aider à prévenir l’aggravation des inégalités. Elle représente ainsi un modèle clé permettant d’assurer une transition équitable et juste, que les seuls acteurs publics ou privés pourraient avoir du mal à garantir. L’intégration de l’économie sociale dans les politiques et les mécanismes de financement de l’UE peut contribuer à faire en sorte que la transition juste soit non seulement écologiquement efficace, mais aussi socialement équitable, en donnant aux communautés les moyens de façonner activement leur avenir.

Malgré les priorités actuelles de l’agenda européen axées sur la compétitivité et la décarbonation, une Union européenne résiliente doit comprendre qu’elle ne peut être compétitive que si elle est équitable et à l’épreuve du temps. Une interprétation étroite de la compétitivité compromet les programmes d’investissement social et le soutien à la société civile, que ce soit par des réductions budgétaires et/ou des fusions de fonds présentées comme des « simplifications », tandis que la décarbonation limite la portée de la dimension sociale et environnementale et réduit l’ouverture à la participation des acteurs de l’économie sociale.

En tant que Social Platform, nous continuerons à faire entendre notre voix collective pour défendre l’investissement dans la valeur sociale à long terme et permettre de compter sur la capacité d’un modèle qui place véritablement les personnes avant le profit. Comme l’indique le rapport Draghi, « la croissance de la productivité et l’inclusion sociale vont de pair »[3].

 

[1] Voir : Recommandation du Conseil du 27 novembre 2023 sur le développement de conditions-cadres pour l’économie sociale

[2] L’élaboration de plans nationaux de déploiement constitue l’une des principales recommandations aux États membres : « Il est recommandé que les États membres développent des cadres politiques et réglementaires qui permettent et soutiennent l’économie sociale. À cette fin, ils sont encouragés à concevoir et à mettre en œuvre des stratégies globales qui reconnaissent et stimulent l’économie sociale, ou à adapter des stratégies existantes ou d’autres initiatives politiques, en accord avec cette Recommandation, le plan d’action de l’Union pour l’économie sociale et d’autres orientations politiques de l’Union. »

[3] Mario Draghi, L’avenir de la compétitivité européenne, 2024

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