Le 5e Symposium technique de la Task Force des Nations Unies pour l’économie sociale et solidaire (UNTFSSE) s’est tenu les 4 et 5 décembre derniers à Murcie, capitale espagnole de l’économie sociale 2025, coorganisé par l’UNTFSSE, l’Organisation internationale du travail (OIT), le ministère du Travail et de l’Économie sociale du gouvernement espagnol, le CEPES, la région de Murcie et l’UCOMUR. Le forum a réuni des représentants des organisations membres de la Task Force, appartenant à une vingtaine d’agences des Nations unies, ainsi que des représentants d’entités observatrices, parmi lesquelles Social Economy Europe et CIRIEC-International. C’est la première fois que ce Forum se réunit en Espagne, la positionnant ainsi comme centre mondial de l’économie sociale.
Au cours de la rencontre, il est apparu clairement que, même si ces dernières années, l’écosystème de l’économie sociale a franchi des étapes importantes et obtenu une reconnaissance significative à l’échelle mondiale et régionale, « 2025 a été une année très différente », a averti Sarah de Heusch, directrice de Social Economy Europe (SEE), qui a ajouté : « Nous vivons une guerre des valeurs qui affecte la démocratie et la solidarité et, par conséquent, l’importance de l’économie sociale est reléguée au second plan ».
Dans le même ordre d’idées, Juan Antonio Pedreño, président de SEE, CEPES et Ucomur, a exprimé sa préoccupation face à la perte de priorité des politiques sociales en Europe, en particulier dans les projets de nouveau budget de l’UE pour 2028-2034. Il a souligné la nécessité de maintenir et de continuer à développer des mesures telles que la politique agricole commune et, en particulier, de préserver la continuité du Fonds social européen, du Fonds européen de développement régional et d’InvestEU, « qui sont essentiels pour préserver l’emploi, réduire les inégalités et garantir que l’économie sociale continue à renforcer la compétitivité et la croissance dans toutes les régions européennes ».
Simel Esim (chef de l’Unité Coopératives, économie sociale et solidaire de l’OIT et présidente de l’UNTFSSE) s’est fait l’écho de ces préoccupations, avertissant que « même si la reconnaissance de l’économie sociale s’est accrue, elle reste inégale au niveau systémique. Une plus grande cohérence est nécessaire dans la planification et la programmation ; l’économie sociale et solidaire doit être reconnue comme un partenaire stable et à long terme, et pas seulement en temps de crise ».
L’exemple de l’économie sociale en Espagne
L’événement a également été l’occasion de souligner le rôle de l’Espagne en tant que référence internationale dans la promotion de l’économie sociale, car c’est le seul pays d’Europe à disposer d’un ministère dédié à l’économie sociale et de deux stratégies nationales en matière d’économie sociale.
Jaime Iglesias, commissaire spécial pour l’économie sociale du gouvernement espagnol, a fait part de son ambition de renforcer la présence de l’économie sociale dans tous les forums internationaux, en promouvant des initiatives telles que le Réseau ibéro-américain pour la promotion de l’économie solidaire, l’intégration de l’économie sociale dans les systèmes statistiques de l’ONU et de l’UE, et la création d’unités d’économie sociale dans tous les organismes des Nations unies. Au niveau européen, il a suggéré une directive européenne sur l’économie sociale et solidaire.
Réduire le fossé des connaissances
Les débats ont également mis en évidence certains des principaux défis auxquels l’économie sociale est historiquement confrontée. Les participants ont convenu que la visibilité reste un obstacle important. À cet égard, Barbara Sak, directrice du CIRIEC-International, a souligné qu’une communication bien documentée est une grande priorité, « mais nous n’avons pas besoin de convaincre ceux qui sont déjà assis à cette table ; nous devons aller à l’extérieur, identifier différents publics et définir nos priorités. Si les gens pensent que l’économie sociale peut améliorer leur bien-être et créer des emplois, vous pouvez les convaincre ».
Cette réflexion revêt une importance particulière à la lumière des données de l’Eurobaromètre spécial sur l’économie sociale, qui montre que 9 Européens sur 10 soutiennent les valeurs de l’économie sociale, même s’ils n’en connaissent pas toujours la définition, les entités, la portée et le potentiel.
Symposiums annuels
Les débats du symposium technique de la Task Force constituent les axes centraux de son plan d’action biennal et permettent d’identifier les thèmes les plus pertinents qui sont traités dans les rapports du secrétaire général des Nations unies, António Guterres, sur l’économie sociale et solidaire au niveau mondial.
L’Assemblée générale des Nations unies a déjà adopté deux résolutions sur l’ESS, qui constituent des étapes historiques en reconnaissant l’économie sociale et solidaire comme un vecteur essentiel pour atteindre l’Agenda 2030 et intégrer des stratégies de développement durable.
Toutefois, comme l’a souligné Simel Esim, « nous disposons de deux résolutions de l’ONU sur l’économie sociale, mais nous devons nous concentrer sur leur mise en œuvre et le faire avec ambition. Nous savons que nous traversons une période difficile, mais nous en sortirons plus forts et plus unis ».





